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Parker Garcia
Parker Garcia

Pisser Dans Sa Gorge



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Pisser Dans Sa Gorge



De rage, la pilote en combinaison noire écrasa de plus belle la pédale de l'immense Mustang custom, directement importée des États-Unis à Eurtec par le gang. Elle aurait juré avoir entendu le moteur rire au milieu des tours, comme si les pistons étaient mus d'une forme de vie. Devant elle, rien d'autre que de le noir des Catacombas, mais la carte intégrée à l'ordinateur lui indiquait un point de chute à quelques minutes. Dans le coffre du bolide gris métallisé, un transfert de fonds vers les derniers entrepôts du Spectre de Chicago encore debout dans la ville. Avec le durcissement des lois, la disparition de l'U2I, facile à corrompre, de l'équation, puis carrément l'embargo de la CMO sur les portes dimensionnelles, le gang américain n'était plus le bienvenu dans le joyau européen. D'autant plus qu'il commençait à devenir évident qu'un nouvel arrivant sur la scène paracriminelle avait obtenu les faveurs du Roy.


La Mustang dérapa brutalement en fusionnant ses roues avant au sol, repoussant de loin ce que la physique non-anormale permettant en négociant un virage à angle droit à plus de cent cinquante kilomètres par heure. Pour autant, elle manqua d'emboutir un panneau rouillé, le coffre étant beaucoup plus rempli que d'habitude. Presque immédiatement, le minuscule module de gravité sous le siège de la conductrice se déploya pour lui éviter d'encaisser les quelques 2 000 g du virage. Toute la carlingue se déforma sous la force invraisemblable que déployait le virage, mais grâce aux alliages anormaux de chez Anderson, ni le châssis ni la carrosserie ne se brisèrent sous l'effort, reprenant leur forme initiale à la fin du dérapage. Dans le coffre, les kilos de naphaxtérine n'avaient pas l'air d'avoir explosé, sans quoi l'air serait devenu immédiatement vert dû à la poudre psychotrope. La livraison, attendue pour dans plusieurs heures, avait beaucoup d'avance, mais la pilote en locks était inquiète. Depuis le début du trajet, elle n'avait réussi à joindre personne dans le gang, ce qui était très inhabituel. Bondissant à travers les entrailles obscures et étouffantes de la Ville Néon, la voiture de sport transformée en monstre de paratech suivait le rythme cardiaque de sa conductrice, qui ne cessait de s'accélérer.


Tout à coup, une sonnerie se fit entendre dans l'habitacle, suivie d'une projection holographique distordue à cause de la connexion exécrable dans Las Catacombas principalement imputable à la quasi-cage de Faraday que la route-plafond constituait. Sautant sur le bouton, la conductrice fut accueillie par un grésillement hurlant.


Sortant tranquillement de son Alfa Roméo modèle Giulia Futuro, le tireur, béret de côté à la militaire, appuya délicatement sur le bouton d'ouverture du coffre de la voiture américaine en prenant soin d'éviter la carcasse gorgée de sang et de plomb sur le siège conducteur. Après un "pop" caractéristique, il se dirigea vers le coffre, attrapa les quatre sacs de sport et les transvasa dans sa propre voiture. D'un geste de la main à côté de son visage, l'assassin envoya un message sur une instance privée du Net : "cargaison récupérée, ouvrez la porte". Puis, saisissant un autre téléphone, anormalement normal pour la zone, l'italien composa un numéro, qui sonna trois fois.


Oui. Oui, c'est bon, j'ai trouvé vos données. Elles sont dans une puce neurale, je vous transfère tout d'un coup. Non, elles n'ont pas été copiées, ni transférées, vos vidéos sont toujours confidentielles. Non, la cambrioleuse ne peut pas vous donner son réseau. Mais pas d'inquiétude, plus personne de vivant ne l'attend. Oui. Oui. Je regarde. Oui, j'ai reçu le paiement. Au revoir.


Dans un soupir lourd, le technicien appuya sur une publicité pour le dernier remake du Livre de la Jungle. Un câble cérébral tomba du boitier dans un clac caractéristique. Fischer s'assit sur le banc poisseux, penchant la tête vers le bas pour accéder à son port OROI, implanté à la base de la nuque. Le bout de la prise, légèrement aimanté, se brancha immédiatement alors que le logo de Oneiroi, Inc. s'affichait en tremblotant sur l'écran de la machine.


Fischer sentait la publicité onirique s'incruster dans son subconscient, alors que l'habituel et insupportable jingle de tous les business autorisés par les Geôliers de cette ville d'enfer résonnait dans le lavomatique.


L'homme, la bave aux lèvres, venait de dégainer un morceau d'écran ultrafin, cassé et enroulé de bande kevlar de sorte à former une espèce de couteau artisanal, bien plus tranchant que la plupart des armes blanches. La lame de fortune frôla la gorge de la dealeuse, qui, au lieu de saigner, se détacha comme la peau d'un fruit dans la pénombre. Une semi-artificielle, sans doute Incorporée.


Elias Fischer fouilla dans sa poche pour trouver une seringue. Hypnotraline, 1 µg. Juste assez pour une sieste d'une heure, le temps que sa combinaison passe au lavage. Il remonta sa manche et essuya la pointe de l'aiguille sur son pantalon en néoprène avant de s'injecter la substance dans les veines.


Ce soir, il avait encore essuyé un refus. La clinique dans laquelle il était allé ne pratiquait pas l'implantation sans conditions, et ni ses maigres liquidités, ni la maigre barrette de "compensation" offerte par sa boîte ne suffisaient. C'était la troisième clinique, mais même en demandant la prothèse oculaire la plus basique, ou même simplement des soins, on le renvoyait à la porte. Sans un compte en banque, se soigner à Eurtec était une véritable transhumance. Depuis deux jours, de la lymphe perlait du pansement que lui avait fait l'infirmerie de l'usine, inchangé depuis une semaine. Il commençait à avoir des sueurs, des tremblements en tout genre et à ressentir une forte chaleur depuis ce matin, mais avait dû prendre le service malgré tout.


Le vagabond avait l'air paisible, sous la plaque de plexiglas injecté qui lui servait de toit. Difficile de savoir d'où il venait, les Eurtecois étant un peuple aux origines très variables. Entre les descendants de terriens issus de toute l'Europe, métissés à l'infini dans la ville néon, et les humains en éprouvette, produit en masse par les énormes corporations biogénétiques sans aucune considération pour le nombre de logements disponibles. Depuis le traité EMBARGO, la taille de l'horizon avait été gelée, limitant le rayon de la ville, mais également de facto sa hauteur. Bien que des solutions de réduction d'espace individuel soient en cours de développement, le nombre de sans-abris avait explosé, et le business de leur "nettoyage" aussi. Des entreprises d'agro-alimentaires, comme le suisse Nestlé, aux mains de la loge maçonnique de la Coalition, sillonnaient les rues pour trouver les SDF et les récupérer pour produire de la matière organique, utilisée pour produire d'autres réplicants ou, parfois, de la viande bon marché.


Poussé par une curiosité maladroite, Enzo s'approcha du SDF en train de dormir. Sa tête était posée sur un drone de livraison cassé enroulé dans de l'isolant d'immeuble préfabriqué, l'un des bras de ce dernier dépassant de la laine. Une fine couche de plastique, probablement sprayé, protégeait la tête du vagabond du tissu coupant. Un filet de sang coulait depuis l'arrière du crâne de l'homme endormi. Pris de panique, le technicien borgne secoua le SDF pour le réveiller.


Son animal de compagnie leva également la tête et ouvrit sa gueule dans un bruit rauque et étouffé. Enzo remarqua immédiatement le défaut génétique de la créature, confirmant l'hypothèse du rebut. Sa mâchoire supérieure et inférieure était relié par une membrane trop courte et étroite, créant non seulement des trous dans ses joues mais l'empêchant aussi de correctement ouvrir la gueule. Après un mouvement de recul, son œil observateur nota la chaîne sous la collerette ainsi que la sorte de paille souple à ses pieds, sans doute destinée à le nourrir.


Le techos, un peu circonspect, tira la manche de son manteau. La pluie tombait doucement sur sa peau alors qu'il révélait un appareil de la taille d'un smartphone, parfaitement plat, strappé à son bras droit, un câble s'enfonçant dans la pliure du coude. Il avait refusé l'implant sous-cutané, préférant pouvoir directement bidouiller et réparer son interface de réalité au cas où. Le SDF attrapa un stylet dans les plis de ses trop nombreux habits, se déplaçant sur la carte d'Eurtec. Presque rendu à l'horizon, il cliqua sur une adresse, puis esquissa un sourire métallique à Enzo. Ce dernier le remercia d'un geste, avant de partir en se demandant bien ce qui l'attendait aux confins de la zone physique de la ville.


Catherine était furieuse. Dans le duplex situé Avenue du Progrès, les dispositifs de son virtualisés avaient du mal à absorber les cris de rage teintés d'anxiété de l'ingénieure et mère de famille. Courant après sa fille Charlotte qui tentait de s'enfermer dans sa chambre, Catherine commanda au robot de gestion la déconstruction de la porte.


Catherine était pour le moins désemparée depuis déjà plusieurs années. Entre son poste de généticienne à Bayer-Monsanto et sa vie mondaine à gérer, Charlotte était devenue une épine dans le pied de sa mère. Et ce n'était pas son père, sans cesse hors du foyer pour raison "professionnelle", qui allait arranger quoi que ce soit. Âgée d'à peine seize ans, sa fille avait déjà tout fait à sa mère pour tenter de la contrarier : tabac, puis toutes sortes de drogues, débauche avec les garçons, style provocateur, refus de l'école, bagarres et même un petit larcin qui lui avait valu un aller-retour au poste. Mais là, c'était la goutte de trop.


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